samedi 24 juillet 2010

Maestrale en mer Ionienne


............. Terzo giorno: la coda del maestrale ............

Nous mouillions à Otrante, en Adriatique, depuis une semaine. Notre visite terminée, nous avions hâte de prendre le chemin du retour, or le maestrale soufflait depuis la veille et les pêcheurs prévoyaient du mauvais temps jusqu'au lendemain, avec des conditions plus difficiles au sud, en mer Ionienne.

Une forte houle s'engouffrait dans la rade par le nord-ouest. Ayant remis au surlendemain leur traversée vers la Grèce, les bateaux de plaisance s'entassaient dans le port. Les cockpits étaient noirs de monde; chacun vérifiait fébrilement ses amarres. La nuit s'annonçait mouvementée et nous ne songions qu'à une seule chose: prendre le large. Depuis le temps que nous priions pour un vent favorable, voilà qu'on nous offrait un grand toboggan jusqu'en Calabre: 25 noeuds, dans la bonne direction, avec une houle somme toute raisonnable. Pour finir, nous avons décidé de tenter notre chance.

Nous avons appareillé à 19h. Hissant l'ancre à la force des bras, avec Ava qui se cabrait sur les vagues, j'avais l'impression d'être un cowboy de rodéo monté sur un bronco furieux. Le ciel était couvert - on aurait dit que la nuit commençait à tomber. A en juger par les regards ahuris de nos voisins, ils nous ont pris pour des fous. Sortir en plein mistral, et de nuit encore!

La sortie du port fut sportive, mais une fois au portant, le doute n'était plus permis: nous avions fait le bon choix.

Passé le cap de Santa Maria de Leuca, le vent a forci et la houle est devenue plus importante, comme on nous l'avait prédit. 2 mètres? 3 mètres? Difficile à dire. Cette nuit là, j'ai dormi seul dans le cockpit, pour la première fois depuis notre départ, avec le harnais de sécurité et le ciré. Toutes les demi-heures, une déferlante balayait le pont et je buvais la tasse. L'eau était tellement chaude que je parvenais à me rendormir, tout trempé que j'étais.

Pendant les 24 heures qui ont suivi, nous avons fait 7 noeuds de moyenne, avec pour seule voilure un foc n°2. Dans ces conditions, le FC-10 se promène sur les vagues comme un skateboard dans un skate park: il court, il danse. Les vagues n'offrent pas de résistance - le bateau n'a aucune inertie - il est aussi léger a la barre qu'une trottinette. A le refaire, je mettrais sans doute un bout de grand-voile, mais l'essentiel, ce jour là, était de sentir qu'à tout moment, nous contrôlions parfaitement le bateau. Il fallait que ce soit facile.

Le lendemain soir, à l'approche de Rocella, nous exultions. 160 miles en 24 heures! Une ligne droite, presque parfaite. Non seulement nous avions gagné trois jours sur notre planning, mais nous avions fait reculer les limites du possible.

Morale de cette traversée: tirons nos propres conclusions de l'expérience. Si naviguer de nuit, loin des côtes, au portant dans le mistral, me semble une bonne idée, qu'est-ce que le regard ahuri du voisin peut m'apprendre que je ne sache déjà?