vendredi 20 août 2010

Best of Mezzogiorno


............. Le Vésuve, le soleil, Naples et Capri .............

Le plus beau mouillage

A Naples, nous avons jeté l'ancre devant le Castel del Ovo, à 50 mètres du centre-ville, sous les fenêtres du Palais Royal; un mouillage que n'aurait pas dédaigné l'Amiral Nelson. Il nous aura suffi, pour obtenir une autorisation, de nous adresser aux riverains, ces amministratori auto-proclamés qui passent leurs journées assis sous des parasols, au bord du quai, à attendre que quelqu'un vienne leur demander la permission de se baigner, de se garer, de piqueniquer, de jeter l'ancre, et qui l'accordent d'autant plus volontiers qu'on leur aura fait preuve de respect.

Les rues, les places et les carrefours de Naples sont comme une bourse à ciel ouvert. Il y a toujours quelqu'un, assis dans un coin, un courtier de l'espace public dont il faut obtenir l'aval avant d'entreprendre quoi que ce soit. Plus il y a de passage, plus il y a d'activité, plus il y a de courtiers. Sur notre quai, ils étaient au moins cinq - cinq bonshommes immobiles sous leurs parasols, en sandales et en t-shirt, qui nous suivaient du regard à chaque débarquement. Aucune loi, aucune autorité, aucune révolution ne peut venir à bout du Napolitain qui, assis sur sa chaise, contrôle son petit coin de Naples sans broncher de toute la journée et se sent investi par le regard de ses concitoyens d'une souveraineté absolue.

Il est plus facile de faire tomber le roi de Naples de son trône qu'un Napolitain de sa chaise pliante.


La meilleure pizza

C'était à Agropolis, à côté de Paestum. Le four occupe le rez-de chaussée d'une tour médiévale dont les parois intérieures sont noires comme un conduit de cheminée. Les pizzas sont servies sans couverts, dans des paniers en osier. Il y a des tables un peu partout dans les ruelles environnantes - pas de salle ni de terrasse à proprement parler - le quartier de la torre vecchia se transforme chaque soir en pizzeria à ciel ouvert.


Et Susanna de me chanter sa vieille rengaine:

- Mais pourquoi ils sont pas capables de faire des bonnes pizzas en France, porca miseria...
- ...
- Tu es d'accord, non?
- Si, certo...
- Ils ne savent pas cuisiner...
- ?
- Non ne posso più, con tutte quelle "sauces", tutta quella carne, tutto quello grasso, mi fa schiffo! (Susanna parle de la cuisine française comme les Français parlent de la cuisine allemande)
- ...
- Questa pizza... Hai mai assagiato qualcosa cosi buono? Mai? Mai!

Mai.

Le meilleur sorbet

......... Les sorbets fondent, le Shetlandais reste de marbre ...............

C'était à Gerace, en Calabre, à l'heure ou plus personne ne bouge, pendant le grand hold-up du soleil et de la mer.

Grâce à l'eau des ruisseaux qui coulent des montagnes et au soleil qui brille toute l'année, la Calabre est devenue un immense jardin fruitier. Les limes sont gros comme des citrons, les citrons gros comme des oranges, les oranges grosses comme des pamplemousses et les pamplemousses s'appellent oranges amères. Une partie de cette merveilleuse matière première finit dans la sorbetière, qui se trouve généralement à côté de la machine à café. Même le café finit dans la sorbetière; en été, les Calabrais prennent un sorbet de café pour le petit déjeuner.

Ce jour là, donc, nous avons commandé deux sorbets au citron. Comme nous lui faisions des compliments sur la qualité de ses granite, le patron nous a proposé de nous faire goûter quelques unes de ses créations. Au total, huit sorbets - orange, kiwi, amandes, cassis, abricot, framboise, pêche et café - que j'ai du avaler en moins de cinq minutes, pour lui faire honneur, bien entendu.

Le sorbet en Calabre est servi quelques degrés en dessous de zéro. En un rien de temps, il se transforme en jus de fruit; il ne faut pas trainer. Il faut se jeter sur son sorbet comme le sirocco sur les derniers névés des Abruzes, une méthode que je maîtrisais parfaitement après une semaine en mer Ionienne.

samedi 14 août 2010

Eté 2010 - itinéraire

........ Ava au mouillage dans le port d'Otrante, sur l'Adriatique ..........

27 juin - départ de Balaruc
28 juin - Sète
29 juin - Saintes-Maries-de-la-Mer
1er juillet - Cassis
2 juillet - Port Cros
4 juillet - Girolata (Corse)
5 juillet - Porticcio (Golfe d'Ajaccio)
7 juillet - Cala Gonone (Sardaigne)
10 juillet - Iles éoliennes
11 juillet - Milazzo (Sicile)
12 juillet - Scilla (Calabre)
13 juillet - Reggio Calabria
15 juillet - Locri (Calabre)
16 juillet - Rocella Ionica (Calabre)
17 juillet - Castella (Calabre)
19 juillet - Castro Marina (Pouille)
20 juillet - Otranto (Pouille)
26 juillet - Rocella Ionica (Calabre)
28 juillet - Tropea (Calabre)
29 juillet - Maratea (Basilicate)
30 juillet - Agropolis / Paestum (Campanie)
31 juillet - Sorrento (Campanie)
1er août - Naples
2 août - Procida (Campanie)
4 août - Marina di Campo (Elbe)
7 août - Porqueyrolles
11 août - Sète
12 août - Balaruc

Photos: http://www.flickr.com/photos/shetlandais/sets/72157624621615323/

jeudi 12 août 2010

L'éthos du diesel marin


J’ai longtemps éprouvé pour les moteurs à explosion un mélange d’admiration et de crainte presque superstitieuses. Convaincu que la moindre intervention de ma part ne pouvait avoir que des conséquences catastrophiques, ajuster le niveau d’huile fut pendant de longues année la seule opération que je m'autorisais. Faire une vidange m'a toujours paru au-dessus de mes forces.

J’ai vécu le début de ce voyage dans un état d’alerte permanent – le moindre toussotement du pot d’échappement me remplissait d’angoisse. Puis il y a eu les premières avaries et il a fallu que je me débrouille tout seul. En un mois et demi, j'aurai du affronter:

- Une rupture de la courroie de la pompe de refroidissement (à Stes-Maries-de-la-Mer, en plein mistral)
- Une panne due à un encrassement du pré-filtre à gasoil (dans le vieux port de Marseille)
- Une panne d'alimentation du pilote automatique (à Hyères, avant notre première traversée de nuit)
- Une rupture du câble d’alimentation du starter (au large des îles éoliennes)
- Une fuite de carburant (en Sicile)
- Une rupture du câble de commande de l’inverseur (à Tropea)
- Une panne due à une purge incomplète du système de carburant (dans la baie de Naples)
- Une seconde fuite de carburant, provoquée par l'arrachement du filtre primaire (au large des îles toscanes, en plein libeccio)
- Une panne de starter, au large de Cannes.

Mon sentiment d’impuissance a lentement cédé la place à la curiosité. Des questions inédites ont commencé à se bousculer dans mon esprit:

- Avec quelle fréquence doit-on vérifier le système de refroidissement?
- La fumée est-elle un mauvais présage?
- Pourquoi la vidange est-elle si importante?
- Pourquoi les tuyaux fuient-ils ? Est-ce une fatalité ?
- Quelles pièces de rechange doit-on toujours avoir sous la main?

Ainsi que quelques interrogations de nature plus personnelle:

- D’où me vient mon sentiment de panique?

La réponse à cette dernière question pourrait se trouver dans le sujet de mes études: la philosophie est un bien mauvais maître de mécanique (la philosophie, en 1983, était-elle encore un bon maître de quoique ce soit?). A force de rechercher les premiers principes, j’avais fini par m'égarer dans le bloc moteur, qui avec ses deux cylindres et ses trois mille tours minute, continue de défier mon entendement: je ne parviens pas à me représenter comment il peut survivre à toutes ces explosions.

Mais il ne faut pas commencer par là. Surtout pas! Le problème n’est d'ailleurs (presque) jamais dans le bloc moteur. Il est (presque) toujours dans les circuits auxiliaires: le circuit de refroidissement, le circuit du combustible, le circuit électrique. Voilà ce que j’étais bien incapable de faire: commencer par le plus simple, par la périphérie, par ce qui se trouvait à portée de main, et laisser le bloc moteur aux experts et aux concessionnaires.

S'il ne se passe rien, c'est électrique, si ça tourne à vide, c'est le combustible, si ça chauffe, c'est hydraulique et si ça fuit, ça tombe sous le sens.

L’antidote de la panique, c’est l’observation, ou plus exactement, s'agissant d'un moteur diesel, l'auscultation. Une fois identifié le circuit où s'est produit la panne, on part à la recherche de la cause en tâtant les tubes et les connections, en chatouillant les vis et les écrous, en cherchant le boulon déserré, la courroie détendue, la gaine de caoutchouc déchirée, le câble arraché, en apprenant à reconnaître au toucher (et au goût, le cas échéant) la trace d'huile, de gasoil et d'eau salée, et en se mettant du cambouis plein les doigts. Ce faisant, on ne fait qu'effleurer le bloc moteur, qui peut conserver tout son mystère.

Quand on a compris qu'il était impossible de naviguer en Méditerranée, en été, sans se servir du moteur, il n'y a guère de choix: il faut devenir un peu mécanicien.

Le plus drôle: depuis que j'ai le nez dans le gasoil, je ne me pose plus de questions de bastaques, de tenue de l'ancre, de tension de bordure et de manœuvres au port. L'instinct a pris le dessus. Comme quoi il y a doublement à gagner à ne jamais négliger le maillon faible de nos connaissances.

Reconnaissance: à deux reprises, j'ai pu appeler Karl, à Balaruc, pour m'aider à comprendre l'origine des pannes électriques. Grâce à lui, nous nous en sommes sortis avec un bout de fil et un multimètre, et j'ai finalement compris ce qu'était la masse (mes pires craintes sont confirmées: avec la masse, on s'approche dangereusement de la métaphysique - si Derrida s'était intéressé à l'électricité, il aurait commencé par la masse, il ne serait jamais allé plus loin que la masse).

vendredi 6 août 2010

Foutu libeccio


Avec ses 20 noeuds de vent, il ne paraît pas menaçant, et pourtant... Il souffle du sud-ouest sur la Corse et l'Italie et sans être aussi vif que le mistral, il lève une houle courte et énorme, comme on en voit rarement dans ces parages. Le pire est toujours pour la fin, lorsque le vent commence à faiblir mais que la houle a atteint son ampleur maximale. Le bateau ralentit et aux allures de près, il a de plus en plus de mal a remonter les vagues: il arrive sur la crête, à bout de souffle, se prend une rafale en pleine poire, a presque du mal à redescendre et il faut déjà se préparer à affronter le prochain mur d'eau. Dans ces conditions, le bateau ne manoeuvre plus assez vite pour éviter toutes les déferlantes.

Ce jour là, au large de St Raphaël, nous avons entendu un MAYDAY sur la VHF provenant d'un catamaran qui s'était retourné entre la Corse et le continent. Quant à Ava, elle a pris tellement de coups - boum! une déferlante, boum! une autre - que le starter est tombé en panne, prélude à ce qui fut sans doute le moment le plus pénible de tout ce voyage, après que le libeccio ait cédé la place au calme complet: une navigation de nuit, sans vent et sans moteur, à un mille des côtes, entre le cap Lardier et l'île du Levant. Un cauchemar immobile. Mai più...

jeudi 5 août 2010

Susanna


Susanna vient de se réveiller.

- Ma cosa fai ?
- Scrivo una lettera.
- Una lettera a chi ?
- Sasha e Baba.
- Dovresti scrivere una lettera a me…

C’est çà, l’amour. Ensemble 24 heures sur 24, seuls aux monde, et elle voudrait que je lui écrive des lettres pendant qu’elle dort... Et je m'en plaindrais?