lundi 8 mars 2010

Du fretin au menu

......................... L'Assiette Spéciale du Point de Thau ......................

Sète est un grand plat de poissons frits, débarqués le jour même sur le quai de la Criée, arrosés de Picpoul de Pinet (la contre-étiquette évoque un bouquet d'agrumes et d'ananas: va pour l'agrume et l'ananas!). Dire que les portions sont généreuses, c'est ne pas faire justice à la munificence des restaurateurs sétois: les plats croulent littéralement sous le poisson. C'est la loi du menu fretin: "quantity is no object". Mal avisé celui qui commanderait une truite au bleu...

Ce week-end, nous avons gouté aux jols et aux chipirons. Thomas et Gabriel se sont jetés sur leurs assiettes de poissons miniatures avec la frénésie d'une bande de squales. Plus encore que les odeurs de friture, c'est le fait de savoir qu'ils peuvent tout manger - la tête, les tentacules, les arêtes, les yeux! - qui déchaîne leur voracité.

Royal

................................ le soir de mes 45 ans ..................................

Gabriel m'a supplié pendant tout le dîner de lui donner mon briquet Zippo.

- Tu fumes même pas! s'écrie Gabi.
- Toi non plus, que je sache?
- Si tu me le donnes, je promets que je fumerai jamais.

Une bien étrange proposition, comme Gabi en a le secret. Comme je n'aime pas dire non, je leur ai annoncé que pour leurs 18 ans, nous leur ferions cadeau du bateau et du briquet. Sans hésiter, Gabo a choisi le briquet. Grand seigneur, Toto s'est contenté du bateau. Et comme Susanna m'interrogeait du regard, je lui ai promis que je demanderai à Raymond Col de nous construire un trimaran.

Nada mas

Les enfants qui jouent dans la jupe du bateau, les pieds dans l'eau scintillante, Susanna qui fait une sieste dans le cockpit, baignée de soleil, le vérin du pilote automatique qui, à intervalles réguliers, pousse ses petits grognements de voiture électrique, et moi qui fais les cent pas sur le pont, l'œil rivé sur le vrillage du génois et le creux de la grand-voile: le bonheur, sur un voilier, c'est un sentiment d'équilibre, précaire mais parfait.

Il a tout compris

Sis rue Gambetta, en face des halles de Sète, le Bistro du Marché encourage ses clients à s'approvisionner en tielles, fougasses, huîtres et oursins dans les halles voisines; lui se contente d'encaisser le café et le picpoul. C'est parfait; tellement simple et tellement parfait que c'en est presque chinois.

Et l'on en vient à regretter le modèle économique dominant qui fait que ce soit tellement rare. "S'il les vendait lui-même, il augmenterait son chiffre d'affaire..." Il faut faire taire le monopoliste en nous.