mercredi 25 septembre 2013

VENDU


L'aventure continue sur une jonque, en mer de Chine.

www.maresinarum.blogspot.fr

mercredi 27 mars 2013

A VENDRE

Pour cause de départ, en Mer de Chine
Bénéteau First Class 10
Année: 1984
Longueur H.T.: 10,45 m
Déplacement:  2,5 tonnes
Oeuvres vives et mortes refaites à neuf en 2007
Voilure: en bon état, grand-voile, génois, inter, foc N°2, trinquette, spi symétrique
Winches HARKEN self-tailing 44.2 (2008)
Moteur: en bon état, YANMAR 2GM (2002, révisé 2008)
Mat et gréement en bon état (remis à neuf en 2004)
Boulons de quille changés en 2009
Mouillages: 2 ancres, Danforth et soc de charue
Electronique: VHF, sonde, GPS programmable avec loch et alarme de mouillage
Chargeur CRYSTEC, avec prise de quai
Pilote automatique SIMRAD
Annexe BOMBARD AX2 orange et moteur hors-bord JOHNSON 4 CV, en bon état
Localisation: sur bers, à Balaruc-les-Bains (Sète - Hérault), avec mise à l'eau annuelle (mai-octobre) et place à quai
Prix: €19.000
Contact: Anthony Rendall
Tél.: 06 07 77 85 58

Pour en savoir davantage sur ce merveilleux voilier de course-croisière, une page écrite par ses concepteurs, du groupe Finot:

http://www.finot.com/bateaux/ancienbt/first/fstclass10/fstclass10.htm

Sans oublier les pages de ce blog, vieux de quatre ans, où il est démontré que le goût de l'aventure n'est pas incompatible avec la recherche du bonheur. Au final, tout ça ne tient qu'à une chose: la femme avec laquelle on voyage.

lundi 6 août 2012

Au diable les bavards!

Salvador Dali - Le Spectre du Sex Appeal (Cadaquès - 1934)
A l'arrière-plan, le Cap de Creus
Si descendre dans les Baléares, le vent dans le dos, est une partie de plaisir, remonter le golfe de Lion avec la tramontane dans le nez est une autre paire de manches. En cause, le Cap de Creus dont le relief déchiqueté se dresse dans le prolongement de la chaine pyrénéenne, à la frontière franco-espagnole, et dont les hauts-fonds lèvent une houle énorme par vent du nord-ouest. Le Cabo de Creus, c'est la brute de la cour de récréation qui vous attend à la sortie de l'école, planquée derrière un mur, pour vous casser la gueule. Tout le monde y a laissé des plumes, un jour ou l'autre. Raymond est parti à la rescousse d'un collègue qui y avait retourné un trimaran. Erwan y a couché son ketch de 19 tonnes! Couché!

A Sète, on ne parle que de lui: c'est notre Cap Horn.

Or le Cap de Creus, cela faisait des semaines que j'y pensais, jour et nuit. J'y pensais même avant notre départ, au mois de juin. J'ai longtemps parlé avec Raymond de la marche à suivre si l'on était surpris par la tramontane au large du cap, planifiant notre retraite, heure par heure. Il reste que l'essentiel, dans cette affaire, est d'avoir une bonne météo et de ne pas surestimer ses capacités d'endurance.

Depuis cinq jours, donc, j'épluchais les bulletins météorologiques tous les matins, guettant le moment propice, la "fenêtre" de 48 heures qui nous permettrait de rentrer à Sète par la route directe. Elle s'est ouverte mercredi matin à 11h, au café de Fornells. Deux heures plus tard, nous étions partis. Toutes mes sources nous promettaient 24 heures de sud-ouest suivies de vents variables. Ce n'est qu'au bout de 48 heures, après la "bascule", que le mistral devait faire son retour, virant au nord-ouest dans l'après-midi de vendredi. C'était juste, mais suffisant pour rentrer à Sète.

Nous étions partis depuis quatre heures et Minorque commençait à disparaître à l'horizon lorsque, m'aprêtant à éteindre le portable, je constatai qu'il restait un peu de réseau et décidai d'appeler Eliane, à Sète, pour la prévenir de notre retour. 

- Vendredi?
- Oui, nous devrions arriver dans la matinée...
- Alors vous allez avoir de la tramontane.
- Comment ça, de la tramontane?
- Oui, ils prévoient du vent du nord, avec des orages, demain après-midi.
- ...
- Mais bon, ça devrait passer: elle ne soufflera pas à plus de 50 km/h.

Force 6... au près... demain après-midi... juste au moment où nous avions prévu de passer au large du Cap de Creus. Qu'est-ce que je pouvais répondre? En proie à une angoisse indicible, j'ai raccroché  sans demander mon reste, et après quelques tergiversations, j'ai décidé d'informer Susanna et les enfants.

- Et qu'est-ce qu'on va faire?
- Je prendrai une météo demain matin et on avisera...
- Mais s'il y a de la tramontane?
- Si le vent souffle du nord, on ne va pas essayer de forcer le passage: on piquera sur Cadaquès, pour se mettre à l'abri, et on attendra que ça passe. 
- Et si ça dure trois jours?
- On attendra.
- Et si ça dure une semaine?
- Alors, on essaiera de passer de nuit, comme l'a suggéré Raymond.
- De nuit?
- De nuit...

L'ambiance, de vaguement euphorique, est soudain devenue morose. A la tombée du jour, je suis allé dire bonsoir à Gabi, qui s'était installé dans la cabine avant.

- Papa....
- Quoi?
- Je peux te parler?
- Qu'est-ce qu'il y a?
- Papa, j'ai fait pile ou face.
- Quoi, pile ou face?
- J'ai demandé si j'allais mourir jeune ou vieux et j'ai fait pile ou face...
- Et alors?
- Je vais mourir jeune...
- Mais...
- Et après, j'ai demandé si j'allais mourir bientôt ou dans longtemps et....
- Quoi?
- Bientôt.
- Gabi, enfin...
- Papa, papa...
- Quoi Gabi?
- Est-ce qu'on est obligé de passer par le Cap Peur?
- Le Cap de Creus, tu veux dire?
- Oui, on est obligé?
- Oui, mais ne t'inquiète pas. On attendra que ça se calme.
- Tu me promets?
- Promis.
- Papa, papa...
- Quoi?
- J'arrête pile ou face?
- Oui, c'est mieux que tu arrêtes...

Thomas s'est endormi à côté de moi, dans le cockpit, harnaché à la ligne de survie: il voulait être là pour accueillir la tramontane et participer à la manœuvre. "Tu me réveilles, hein papa, dès qu'elle arrive!". 

Je ne savais plus quoi dire, ni quoi penser (dans cet ordre). Un mois que je réfléchissais au moyen de nous épargner une mauvaise expérience en mer et voilà que nous nous apprêtions à affronter Hannibal et la horde carthaginoise, dévalant les pentes des Pyrénées pour nous mettre la pâtée! Et nous étions seuls, désespérément seuls: pas une voile à l'horizon. Il semblerait que la majorité des plaisanciers préfèrent le cabotage à la voie directe pour rentrer en France. 

Peut-être ont-ils perdu confiance en la validité des bulletins météorologiques? Ce n'est pas mon cas. Je pêcherais même par l'excès inverse. En mer, je dévore les bulletins météos, quand je ne suis pas en train de chercher des fac-similés sur la BLU. Jour et nuit, je m'installe à la table des cartes, j'enfile mes écouteurs et je pars à la recherche d'informations. Trawling the MegaHertz, comme chante Paddy McAloon. Après les avoir soigneusement retranscrits dans le livre de bord, je relis les bulletins météorologiques et je les compare aux cartes isobariques, tout en essayant de me représenter le déplacement des masses d'air et le comblement des dépressions, déroulant l’écheveau des vents dans mon esprit... Je ne me prêterais pas à toutes ces constructions mentales si je n'avais pas fondamentalement confiance en notre capacité à faire des prévisions. 


Pendant les 24 heures qui ont suivi, j'ai écumé la Short Wave, la Medium Wave et la BLU. Radio Monaco, le CROSS de la Garde, la BBC, France Info, les stations côtières espagnoles... J'ai même interrogé les quelques navires croisés en chemin sur la VHF. Rien... Pas l'ombre d'une tramontane. Sans dévier de notre route, nous sommes arrivés à Sète vendredi matin, sans avoir été inquiétés. Le vent a commencé à souffler du nord-est une heure avant notre arrivée, avec quelques heures d'avance sur les prévisions.

Je m'étais promis d'en toucher deux mots à Eliane et de lui raconter comment son mauvais pronostic avait jeté une ombre sur la traversée, mais je me suis abstenu. Après tout, je n'avais qu'à m'en prendre à moi-même: une fois la décision prise, pourquoi prêter l'oreille aux oiseaux de mauvaise augure? 

J'étais en train de méditer tout ça lorsque mes pensées se sont reportées sur Raymond et Olivier. Combien de fois les ai-je vus attendre une fenêtre météo avant d'entreprendre qui une traversée, qui une course en haute-montagne? Pendant des journées entières, ils attendent que les conditions deviennent favorables en discutant du pourquoi et du comment, en vérifiant le matériel et en buvant des canons. Et puis un beau matin, on se réveille et le ciel est dégagé, les conditions sont enfin bonnes. On pense aussitôt à les prévenir... le temps de se rendre compte qu'ils sont déjà partis depuis belle lurette, sans dire un mot, pas même un au revoir. 

Une fois la décision prise, il faut savoir foncer tête baissée dans le silence.

samedi 21 juillet 2012

La vie est une fable



Après quelques journées heureuses marquées par une pêche abondante, la découverte d’un bon mouillage et une soirée bien arrosée qui s’est terminée par une samba en famille particulièrement réjouissante, je me sens rempli d’un sentiment incontrôlable de gratitude. Cherchant un exutoire, je décide d'exprimer ma reconnaissance par quelque exploit physique. Or on dispute aujourd’hui au village une course à la nage -  c’est la traversée annuelle de la baie de Fornells - et je décide aussitôt de m’inscrire.

 A dix heures et demie, le petit port de pêche est noir de monde. Dans l’eau, on s'échauffe en faisant des longueurs – sur la terre ferme, une centaine de nageurs âgés entre 20 et 50 ans sourient à pleines dents en échangeant des plaisanteries dans un catalan bien chuintant auquel je ne comprends goutte. Il y a là le Club des Dauphins Minorquais (Els Dofis Menorces) au grand complet - ils portent des tenues intégrales à manches courtes, taillées dans un matériau synthétique glissant et noir, sponsorisées par le Service de Cardiologie de l'hôpital de Maon - et des sportifs de toutes les tailles et de de toutes les formes. Il me vient soudain un sentiment familier de qu’est-ce-que-je-fous-là. Après avoir payé mon droit d’entrée, j’enfile mon bonnet de bain turquoise et nous embarquons sur les bateaux de pêche qui nous emmènent au départ de la course, situé à un kilomètre de là. Il souffle une tramontane de tous les diables et le trajet du retour devra se faire à contre-courant. On nous largue au milieu des rochers, au pied du phare de l'illa de ses Sargantanes. Après une courte attente,  le signal du départ est donné par un coup de révolver.

Soudain, la mer se déchaine comme dans une madrague, un jour de grande pêche. L’horizon est obscurci par l’armée de bras qui frappent la surface de l’eau comme une pluie de sabres; l'écume monte jusqu'au ciel. Moi qui m’attendais à une ambiance de demi-fond, silencieuse, concentrée, je me retrouve dans un match de boxe de dimension épique, une rixe amphibie entre athlètes dont le champ de vision a été artificiellement réduit par quelque organisateur sadique. Mon regard croise celui d'une jeune nageuse complètement affolée dont les yeux exorbités, grossis par les verres convexes de ses lunettes de plongée, lui donnent l'air d'une dorade surprise par une bande de barracudas enragés. Las de prendre des coups dans les côtes et peu enclin à en donner, je passe à la brasse, une nage qui convient beaucoup mieux à mon physique de batracien ainsi qu'à mon caractère non-violent et qui me permettra de maintenir un périmètre de sécurité pendant tout le reste de la course. Quinze minutes plus tard, alors que l'on fête déjà les vainqueurs sur l'autre rive, je me trouve au deux tiers du parcours avec une bande de vieillards, quelques dames et une poignée d'enfants.

Je ne suis plus qu'à une cinquantaine de mètres de l'arrivée - une grosse baudruche bleu marine estampillée Govern de les Illes Balears, qui pulse en rythme sur une fond de techno -  quand je prends soudain conscience que quelqu'un est en train d'essayer de me doubler. Je passe momentanément au crawl, le temps de creuser une distance respectable entre mon assaillant et moi, mais quelques mètres plus loin, épuisé, je reviens à la brasse. Interprétant sans doute ce changement de tactique comme un signe de faiblesse, mon adversaire redouble ses efforts. Le temps de me rendre compte qu'il est à nouveau à mes trousses, il est déjà trop tard et la malheureuse se prend un énorme coup de pied de batracien shetlandais dans la figure... Je la revois porter ses mains à son visage, je revois son air horrifié, au bord des larmes, je me remémore la sensation atroce de sa paire de lunettes, lorsque je l'ai fracassée sous mon talon... Je n'ai même pas le temps de dire "Lo siento!" que je bois la tasse. Finalement, après m'être débarrassé si abjectement de ma dernière adversaire, je gravis à quatre pattes la passerelle en partie submergée qui mène à la baudruche géante, pour être accueilli par un tonnerre d'applaudissements - de ceux, pleins de rires et d'encouragements, que l'on réserve généralement aux vaincus. Exténué, porté par les cris de la foule et par les pulsations de la sono, je me redresse, je titube... pour me retrouver quelques mètres plus loin devant l'adjointe du maire, un petit bout de femme qui me fait signe de baisser la tête. Me soumettant au rituel, je m'incline comme pour demander pardon pour ma performance indigne lorsque sans me prévenir, elle me passe une grosse médaille à l'encolure pendant que son assistant me tend une banane en me faisant un grand sourire.

Une médaille et une banane! No tiene sentido! La vie est une fable.

vendredi 13 juillet 2012

Baisers volants (Fornells - Menorca)



Pendant que nous passons la pomada (ginebro y lemonada y menta picata) dans les moindres replis de nos cervelles ramollies par le soleil, Thomas et Gabriel vont faire connaissance avec les enfants qui se sont rassemblés autour des balançoires, au pied du muelle. Le chef de la bande, qui a 14 ans, porte un maillot du FC Barcelona siglé MESSI. Thomas fait les présentations, dans un mélange d'anglais et d'espagnol - ils sont vite acceptés dans le groupe. Le temps passe. Soudain, une des filles de la bande vient se camper devant le surnommé MESSI, plantant son regard dans le sien.

- Comme ça? Sans raison?
- Mais oui... c'est un jeu. Au collège, on faisait ça aussi: le premier qui baisse les yeux a perdu.
- Et alors?
- Et alors, ça a duré comme ça trois minutes et ni le garçon, ni la fille ne baissaient les yeux...
- Ils sont super forts les Espagnols, à ce jeu, ajoute Gabi.
- Et alors la fille, tout d'un coup, elle a craché dans le visage du garçon!
- Comme ça: ptui!
- Ptui! C'est resté collé sous de l'oeil!
- C'était dégoutant!
- Et le garçon, qu'est-ce qu'il a fait?
- Il n'a rien fait, il n'a pas bougé!
- Trop fort! Il est trop fort MESSI! Moi, si un jour on me crache dessus, je ferai comme lui...
- Et après une minute, il a pris son t-shirt et il s'est essuyé...
- Sans baisser les yeux!
- Il est trop fort...
- Et quand il a fini de s'essuyer, il s'est raclé la gorge: Rrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr....
- Rrrrrr! Rrrrrr! Rrrrr! Plusieurs fois, comme ça!
- Et la fille?
- La fille, elle continuait de le regarder, sans bouger.
- Et après?
- Eh bien, il lui a craché dessus! Un gros crachat, dans les cheveux!
- Beurk...
- C'était dégoutant...
- Ouais, vraiment dégoutant... ça coulait dans ses cheveux!
- Et puis?
- Et puis la fille, elle est partie - elle est rentrée chez elle, en marchant.
- Elle était fâchée?
- Pas du tout! Elle marchait comme s'il s'était rien passé.
- Comme s'il s'était rien passé... avec son gros crachat dans les cheveux...

Il est certains comportements qu'on ne peut pas expliquer aux enfants sans passer pour un pervers. Bah... Ils ont toute leur vie pour se remémorer cette scène et l'interpréter à leur manière.

mercredi 11 juillet 2012

7 noeuds

Mon cher et vieil ami Vytas m'envoie cette table de conversion, aussi éloquente qu'elle est inutile. On y apprend, entre autres curiosités, qu'en marchant sur l'eau d'un pas vif, jour et nuit, il faudrait 8 jours et demi pour relier Sète à Fornells, sur l'île de Minorque, et qu'il aurait fallu naviguer cent fois plus vite pour briser le mur du son.

Métrique
3,6×10-3
3,6
12,96
3601,11
3601110,17
Anglais/Américain
2,24×10-3
8,06
11,81
Nautique
7

Autre
1,2×10-8
0,01
2,12

Les relèvements de Gabi

 
Nous avons quitté Sète dans l'après-midi et nous faisons route pour les Baléares. Passé le Cabo Creus, la houle faiblit et le bateau file plein sud à 7 noeuds. C'est la première fois que les enfants font une traversée de nuit et je leur explique l'usage du compas de relèvement. Gabi, qui s'est assis à côté de la descente, pointe l'appareil sur Thomas et Susanna qui se relaient à la barre.

- Thomas, zéro! Et maman, 355! Et oui, c'est comme ça, c'est normal, Thomas, c'est zéro et maman, 355!

C'est tellement Gabi... Nous en pleurons de rire. Pendant ce temps-là, Thomas mesure la cruelle efficacité de la connerie, quand elle est imparable.

Devinette: si le vent souffle du Nord-Ouest, Thomas est à 0 et Susanna à 355, qui barre? 

lundi 18 juin 2012

Gabi doute

Thomas et Gabriel jouant avec un feu de détresse

Gabriel: Maman, j'ai pas envie de faire de la voile cet été.
Susanna: Pourquoi pas?
G.: J'ai pas confiance...
S.: En quoi?
G.: En papa...
S.: Pourquoi tu as pas confiance?
G.: Je crois pas qu'il sait bien conduire un bateau. On va couler.
S.: Mais non... Souviens-toi, la dernière fois, on a navigué un mois et demi avec papa et on n'a pas eu de problème.
G.: C'était la chance.
S.: Mais...
G.: Et quand on a de la chance la première fois, la deuxième fois, on coule!

Tenons-le nous pour dit.

lundi 6 février 2012

IN ABSENTIA

8 ans déjà
Lorsqu'il ne sonde pas les abîmes de l'âme méditerranéenne, le Shetlandais plante ses bâtons sur les cimes des Ecrins.

http://shetlandais.blogspot.com/

vendredi 23 septembre 2011

UARS


On dirait une photo prise du haut du mat d'un Kon-Tiki high-tech. Ce curieux vaisseau pèse six tonnes, mesure 11 m de long et 5 m de large: cela fait 20 ans qu'il croise au large de la thermosphère. C'est l'Upper Atmosphere Research Satellite de la NASA, dont la mise à l'eau - façon de parler - est prévue pour vendredi après-midi. Selon la BBC, on a une chance sur 21 billions de l'avoir comme voisin de ponton.

samedi 30 juillet 2011

mercredi 30 mars 2011

"L'action calme les nerfs et soulage la conscience"

Susanna?!
Autant que pour ses courbes affolantes et son mauvais caractère, j’aimais Hypocrite pour sa devise alexandrine - Hypocrite, la petite brune de Jean-Claude Forest.

Après un hiver entier passé à taper comme une brute – pour survivre, je suis condamné à frapper les touches d'un clavier – un peu d'air iodé me ferait du bien.

samedi 23 octobre 2010

Nostalgie

.................. ceci n'est pas un film d'Andreï Tarkovsky ......................

C'est là que tout a commencé, pour Susanna et moi - non pas l'origine, mais le point de départ - à Puerto Olivos, sur le Rio de la Plata, en Argentine. C'est là que nous avons recommencé à faire de la voile et c'est là qu'aujourd'hui mon désir de mer me ramène, en souvenir.

Mon moniteur s'appelait Norbi - tous les samedis matins, nous le retrouvions au Yacht Club Olivos avec trois autres tripulantes, pour quatre heures de voile sur les eaux limoneuses du Rio de la Plata. Notre bateau était un dériveur de 18 pieds, de fabrication locale, appelé Alción.

Il y avait un informaticien russe, installé en Argentine depuis 15 ans, une avocate divorcée et un vieil alcoolique. J'apportais les churros au dulce de leche, l'avocate, un thermos d'eau chaude pour le maté, et notre vieil ami à la voix éraillée, le whisky - qu'il prononçait "wi-ki" - et les cigarettes, des Dunhill qu'ils fumaient avec le Russe en savourant longuement chaque bouffée comme des vieux chinois.

Comme le vent ne soufflait jamais bien fort, nous passions notre temps à discuter, en nous relayant au timón. Les Argentins sont des causeurs infatigables - ils ne lèvent jamais la voix, se prêtent facilement au jeu des confidences et mêlent un esprit taquin à un tact inné. Le souvenir de nos conversations interminables se mêle à celui des instructions de Norbi et à la jolie musique des termes de navigation espagnols: trabuchar, barlovento, baluma, gratil, pujamen...

Au cours de nos navigations, nous croisions régulièrement des îles végétales flottant sur l'immense rió, sortes d'épais matelas de branches et de fleurs qui, emportés par le courant en amont de Buenos Aires, étaient infestés de serpents.

A notre retour, Susanna m'attendait sur le quai avec les enfants et nous allions déjeuner à la parilla du port, une bicoque en tôle ondulée où nous commandions invariablement des chorizos, des bières, un Coca-cola pour Gabriel, un verre d'eau plate pour Thomas et des platées de steaks grillés que nous badigeonnions de chimichurri maison.

Il y avait au bout de la jetée un pêcheur à moitié fou - un géant sadique coiffé d'une casquette crasseuse - dont tout le plaisir consistait à éventrer les poissons à peine sortis de l'eau avec un grand couteau. Leur déjeuner terminé, les enfants couraient le rejoindre et, assis sur un muret, le regardaient faire sans mot dire, horrifiés, fascinés.

vendredi 20 août 2010

Best of Mezzogiorno


............. Le Vésuve, le soleil, Naples et Capri .............

Le plus beau mouillage

A Naples, nous avons jeté l'ancre devant le Castel del Ovo, à 50 mètres du centre-ville, sous les fenêtres du Palais Royal; un mouillage que n'aurait pas dédaigné l'Amiral Nelson. Il nous aura suffi, pour obtenir une autorisation, de nous adresser aux riverains, ces amministratori auto-proclamés qui passent leurs journées assis sous des parasols, au bord du quai, à attendre que quelqu'un vienne leur demander la permission de se baigner, de se garer, de piqueniquer, de jeter l'ancre, et qui l'accordent d'autant plus volontiers qu'on leur aura fait preuve de respect.

Les rues, les places et les carrefours de Naples sont comme une bourse à ciel ouvert. Il y a toujours quelqu'un, assis dans un coin, un courtier de l'espace public dont il faut obtenir l'aval avant d'entreprendre quoi que ce soit. Plus il y a de passage, plus il y a d'activité, plus il y a de courtiers. Sur notre quai, ils étaient au moins cinq - cinq bonshommes immobiles sous leurs parasols, en sandales et en t-shirt, qui nous suivaient du regard à chaque débarquement. Aucune loi, aucune autorité, aucune révolution ne peut venir à bout du Napolitain qui, assis sur sa chaise, contrôle son petit coin de Naples sans broncher de toute la journée et se sent investi par le regard de ses concitoyens d'une souveraineté absolue.

Il est plus facile de faire tomber le roi de Naples de son trône qu'un Napolitain de sa chaise pliante.


La meilleure pizza

C'était à Agropolis, à côté de Paestum. Le four occupe le rez-de chaussée d'une tour médiévale dont les parois intérieures sont noires comme un conduit de cheminée. Les pizzas sont servies sans couverts, dans des paniers en osier. Il y a des tables un peu partout dans les ruelles environnantes - pas de salle ni de terrasse à proprement parler - le quartier de la torre vecchia se transforme chaque soir en pizzeria à ciel ouvert.


Et Susanna de me chanter sa vieille rengaine:

- Mais pourquoi ils sont pas capables de faire des bonnes pizzas en France, porca miseria...
- ...
- Tu es d'accord, non?
- Si, certo...
- Ils ne savent pas cuisiner...
- ?
- Non ne posso più, con tutte quelle "sauces", tutta quella carne, tutto quello grasso, mi fa schiffo! (Susanna parle de la cuisine française comme les Français parlent de la cuisine allemande)
- ...
- Questa pizza... Hai mai assagiato qualcosa cosi buono? Mai? Mai!

Mai.

Le meilleur sorbet

......... Les sorbets fondent, le Shetlandais reste de marbre ...............

C'était à Gerace, en Calabre, à l'heure ou plus personne ne bouge, pendant le grand hold-up du soleil et de la mer.

Grâce à l'eau des ruisseaux qui coulent des montagnes et au soleil qui brille toute l'année, la Calabre est devenue un immense jardin fruitier. Les limes sont gros comme des citrons, les citrons gros comme des oranges, les oranges grosses comme des pamplemousses et les pamplemousses s'appellent oranges amères. Une partie de cette merveilleuse matière première finit dans la sorbetière, qui se trouve généralement à côté de la machine à café. Même le café finit dans la sorbetière; en été, les Calabrais prennent un sorbet de café pour le petit déjeuner.

Ce jour là, donc, nous avons commandé deux sorbets au citron. Comme nous lui faisions des compliments sur la qualité de ses granite, le patron nous a proposé de nous faire goûter quelques unes de ses créations. Au total, huit sorbets - orange, kiwi, amandes, cassis, abricot, framboise, pêche et café - que j'ai du avaler en moins de cinq minutes, pour lui faire honneur, bien entendu.

Le sorbet en Calabre est servi quelques degrés en dessous de zéro. En un rien de temps, il se transforme en jus de fruit; il ne faut pas trainer. Il faut se jeter sur son sorbet comme le sirocco sur les derniers névés des Abruzes, une méthode que je maîtrisais parfaitement après une semaine en mer Ionienne.

samedi 14 août 2010

Eté 2010 - itinéraire

........ Ava au mouillage dans le port d'Otrante, sur l'Adriatique ..........

27 juin - départ de Balaruc
28 juin - Sète
29 juin - Saintes-Maries-de-la-Mer
1er juillet - Cassis
2 juillet - Port Cros
4 juillet - Girolata (Corse)
5 juillet - Porticcio (Golfe d'Ajaccio)
7 juillet - Cala Gonone (Sardaigne)
10 juillet - Iles éoliennes
11 juillet - Milazzo (Sicile)
12 juillet - Scilla (Calabre)
13 juillet - Reggio Calabria
15 juillet - Locri (Calabre)
16 juillet - Rocella Ionica (Calabre)
17 juillet - Castella (Calabre)
19 juillet - Castro Marina (Pouille)
20 juillet - Otranto (Pouille)
26 juillet - Rocella Ionica (Calabre)
28 juillet - Tropea (Calabre)
29 juillet - Maratea (Basilicate)
30 juillet - Agropolis / Paestum (Campanie)
31 juillet - Sorrento (Campanie)
1er août - Naples
2 août - Procida (Campanie)
4 août - Marina di Campo (Elbe)
7 août - Porqueyrolles
11 août - Sète
12 août - Balaruc

Photos: http://www.flickr.com/photos/shetlandais/sets/72157624621615323/

jeudi 12 août 2010

L'éthos du diesel marin


J’ai longtemps éprouvé pour les moteurs à explosion un mélange d’admiration et de crainte presque superstitieuses. Convaincu que la moindre intervention de ma part ne pouvait avoir que des conséquences catastrophiques, ajuster le niveau d’huile fut pendant de longues année la seule opération que je m'autorisais. Faire une vidange m'a toujours paru au-dessus de mes forces.

J’ai vécu le début de ce voyage dans un état d’alerte permanent – le moindre toussotement du pot d’échappement me remplissait d’angoisse. Puis il y a eu les premières avaries et il a fallu que je me débrouille tout seul. En un mois et demi, j'aurai du affronter:

- Une rupture de la courroie de la pompe de refroidissement (à Stes-Maries-de-la-Mer, en plein mistral)
- Une panne due à un encrassement du pré-filtre à gasoil (dans le vieux port de Marseille)
- Une panne d'alimentation du pilote automatique (à Hyères, avant notre première traversée de nuit)
- Une rupture du câble d’alimentation du starter (au large des îles éoliennes)
- Une fuite de carburant (en Sicile)
- Une rupture du câble de commande de l’inverseur (à Tropea)
- Une panne due à une purge incomplète du système de carburant (dans la baie de Naples)
- Une seconde fuite de carburant, provoquée par l'arrachement du filtre primaire (au large des îles toscanes, en plein libeccio)
- Une panne de starter, au large de Cannes.

Mon sentiment d’impuissance a lentement cédé la place à la curiosité. Des questions inédites ont commencé à se bousculer dans mon esprit:

- Avec quelle fréquence doit-on vérifier le système de refroidissement?
- La fumée est-elle un mauvais présage?
- Pourquoi la vidange est-elle si importante?
- Pourquoi les tuyaux fuient-ils ? Est-ce une fatalité ?
- Quelles pièces de rechange doit-on toujours avoir sous la main?

Ainsi que quelques interrogations de nature plus personnelle:

- D’où me vient mon sentiment de panique?

La réponse à cette dernière question pourrait se trouver dans le sujet de mes études: la philosophie est un bien mauvais maître de mécanique (la philosophie, en 1983, était-elle encore un bon maître de quoique ce soit?). A force de rechercher les premiers principes, j’avais fini par m'égarer dans le bloc moteur, qui avec ses deux cylindres et ses trois mille tours minute, continue de défier mon entendement: je ne parviens pas à me représenter comment il peut survivre à toutes ces explosions.

Mais il ne faut pas commencer par là. Surtout pas! Le problème n’est d'ailleurs (presque) jamais dans le bloc moteur. Il est (presque) toujours dans les circuits auxiliaires: le circuit de refroidissement, le circuit du combustible, le circuit électrique. Voilà ce que j’étais bien incapable de faire: commencer par le plus simple, par la périphérie, par ce qui se trouvait à portée de main, et laisser le bloc moteur aux experts et aux concessionnaires.

S'il ne se passe rien, c'est électrique, si ça tourne à vide, c'est le combustible, si ça chauffe, c'est hydraulique et si ça fuit, ça tombe sous le sens.

L’antidote de la panique, c’est l’observation, ou plus exactement, s'agissant d'un moteur diesel, l'auscultation. Une fois identifié le circuit où s'est produit la panne, on part à la recherche de la cause en tâtant les tubes et les connections, en chatouillant les vis et les écrous, en cherchant le boulon déserré, la courroie détendue, la gaine de caoutchouc déchirée, le câble arraché, en apprenant à reconnaître au toucher (et au goût, le cas échéant) la trace d'huile, de gasoil et d'eau salée, et en se mettant du cambouis plein les doigts. Ce faisant, on ne fait qu'effleurer le bloc moteur, qui peut conserver tout son mystère.

Quand on a compris qu'il était impossible de naviguer en Méditerranée, en été, sans se servir du moteur, il n'y a guère de choix: il faut devenir un peu mécanicien.

Le plus drôle: depuis que j'ai le nez dans le gasoil, je ne me pose plus de questions de bastaques, de tenue de l'ancre, de tension de bordure et de manœuvres au port. L'instinct a pris le dessus. Comme quoi il y a doublement à gagner à ne jamais négliger le maillon faible de nos connaissances.

Reconnaissance: à deux reprises, j'ai pu appeler Karl, à Balaruc, pour m'aider à comprendre l'origine des pannes électriques. Grâce à lui, nous nous en sommes sortis avec un bout de fil et un multimètre, et j'ai finalement compris ce qu'était la masse (mes pires craintes sont confirmées: avec la masse, on s'approche dangereusement de la métaphysique - si Derrida s'était intéressé à l'électricité, il aurait commencé par la masse, il ne serait jamais allé plus loin que la masse).

vendredi 6 août 2010

Foutu libeccio


Avec ses 20 noeuds de vent, il ne paraît pas menaçant, et pourtant... Il souffle du sud-ouest sur la Corse et l'Italie et sans être aussi vif que le mistral, il lève une houle courte et énorme, comme on en voit rarement dans ces parages. Le pire est toujours pour la fin, lorsque le vent commence à faiblir mais que la houle a atteint son ampleur maximale. Le bateau ralentit et aux allures de près, il a de plus en plus de mal a remonter les vagues: il arrive sur la crête, à bout de souffle, se prend une rafale en pleine poire, a presque du mal à redescendre et il faut déjà se préparer à affronter le prochain mur d'eau. Dans ces conditions, le bateau ne manoeuvre plus assez vite pour éviter toutes les déferlantes.

Ce jour là, au large de St Raphaël, nous avons entendu un MAYDAY sur la VHF provenant d'un catamaran qui s'était retourné entre la Corse et le continent. Quant à Ava, elle a pris tellement de coups - boum! une déferlante, boum! une autre - que le starter est tombé en panne, prélude à ce qui fut sans doute le moment le plus pénible de tout ce voyage, après que le libeccio ait cédé la place au calme complet: une navigation de nuit, sans vent et sans moteur, à un mille des côtes, entre le cap Lardier et l'île du Levant. Un cauchemar immobile. Mai più...

jeudi 5 août 2010

Susanna


Susanna vient de se réveiller.

- Ma cosa fai ?
- Scrivo una lettera.
- Una lettera a chi ?
- Sasha e Baba.
- Dovresti scrivere una lettera a me…

C’est çà, l’amour. Ensemble 24 heures sur 24, seuls aux monde, et elle voudrait que je lui écrive des lettres pendant qu’elle dort... Et je m'en plaindrais?

vendredi 30 juillet 2010

Með lögum skal land byggja

En vieux norrois, cela signifie: "le pays sera bâti avec des lois". C'est la devise des îles Shetland.

Jusqu'à présent, je n'ai jamais eu à me plaindre de la douce anarchie qui règne dans les ports de la péninsule italienne. A toutes les escales, nous avons été accueillis avec bienveillance et bonne humeur. Jusqu'à ce matin, dans le port d'Amalfi, où un misérable nous a chassé du quai public sous prétexte "que nous n'étions pas chez nous". J'ai senti le sang de mes ancêtres scandinaves bouillir dans mes veines, tout en visualisant le supplice réservé autrefois par mes aïeux aux mauvais hères de son espèce: quinze coups de fouet, sur la place publique, après que le héraut ait entonné trois fois la litanie du droit norrois.

Með lögum skal land byggja,
Með lögum skal land byggja,
Með lögum skal land byggja!

samedi 24 juillet 2010

Maestrale en mer Ionienne


............. Terzo giorno: la coda del maestrale ............

Nous mouillions à Otrante, en Adriatique, depuis une semaine. Notre visite terminée, nous avions hâte de prendre le chemin du retour, or le maestrale soufflait depuis la veille et les pêcheurs prévoyaient du mauvais temps jusqu'au lendemain, avec des conditions plus difficiles au sud, en mer Ionienne.

Une forte houle s'engouffrait dans la rade par le nord-ouest. Ayant remis au surlendemain leur traversée vers la Grèce, les bateaux de plaisance s'entassaient dans le port. Les cockpits étaient noirs de monde; chacun vérifiait fébrilement ses amarres. La nuit s'annonçait mouvementée et nous ne songions qu'à une seule chose: prendre le large. Depuis le temps que nous priions pour un vent favorable, voilà qu'on nous offrait un grand toboggan jusqu'en Calabre: 25 noeuds, dans la bonne direction, avec une houle somme toute raisonnable. Pour finir, nous avons décidé de tenter notre chance.

Nous avons appareillé à 19h. Hissant l'ancre à la force des bras, avec Ava qui se cabrait sur les vagues, j'avais l'impression d'être un cowboy de rodéo monté sur un bronco furieux. Le ciel était couvert - on aurait dit que la nuit commençait à tomber. A en juger par les regards ahuris de nos voisins, ils nous ont pris pour des fous. Sortir en plein mistral, et de nuit encore!

La sortie du port fut sportive, mais une fois au portant, le doute n'était plus permis: nous avions fait le bon choix.

Passé le cap de Santa Maria de Leuca, le vent a forci et la houle est devenue plus importante, comme on nous l'avait prédit. 2 mètres? 3 mètres? Difficile à dire. Cette nuit là, j'ai dormi seul dans le cockpit, pour la première fois depuis notre départ, avec le harnais de sécurité et le ciré. Toutes les demi-heures, une déferlante balayait le pont et je buvais la tasse. L'eau était tellement chaude que je parvenais à me rendormir, tout trempé que j'étais.

Pendant les 24 heures qui ont suivi, nous avons fait 7 noeuds de moyenne, avec pour seule voilure un foc n°2. Dans ces conditions, le FC-10 se promène sur les vagues comme un skateboard dans un skate park: il court, il danse. Les vagues n'offrent pas de résistance - le bateau n'a aucune inertie - il est aussi léger a la barre qu'une trottinette. A le refaire, je mettrais sans doute un bout de grand-voile, mais l'essentiel, ce jour là, était de sentir qu'à tout moment, nous contrôlions parfaitement le bateau. Il fallait que ce soit facile.

Le lendemain soir, à l'approche de Rocella, nous exultions. 160 miles en 24 heures! Une ligne droite, presque parfaite. Non seulement nous avions gagné trois jours sur notre planning, mais nous avions fait reculer les limites du possible.

Morale de cette traversée: tirons nos propres conclusions de l'expérience. Si naviguer de nuit, loin des côtes, au portant dans le mistral, me semble une bonne idée, qu'est-ce que le regard ahuri du voisin peut m'apprendre que je ne sache déjà?

mardi 20 juillet 2010

L'extrême limite


J'ai toujours pensé que mon amour de la Méditerranée ne connaissait pas de bornes, que je ne m'en lasserais jamais. "Le paradis n'est pas un état d'esprit, encore moins une idée - c'est un lieu, et je l'ai trouvé". C'était comme un article de foi; ç'aurait pu devenir mon épitaphe. Ce voyage, en me permettant de pousser un peu plus avant mon exploration du paradis terrestre, m'aura permis d'en découvrir les limites (je tremble à l'idée de tirer les dernières conséquences de cette récente découverte).

La révélation m'est venue au cours de notre première traversée de la mer Ionienne. A la différence de sa cousine tyrrhénienne, qui est d'un bleu profond et délicieusement fraiche, la mer Ionienne en été est tiède comme l'eau d'une baignoire et a l'aspect d'une huître laiteuse, striée de veines turquoise. Chaque jour, quand le soleil est au zénith, la mer se met à réverbérer la lumière comme une tôle de fer blanc. Où que l'on se trouve, à moins de cinq kilomètres des côtes, et a fortiori en pleine mer, entre deux et six, il est impossible d'échapper à son halo blafard, une luminosité insidieuse qui dévore les ombres jusque sous les paupières. C'est comme si la ligne d'horizon était passée au fer à souder. Habitués à cet embrasement quotidien, les riverains de la mer Ionienne célèbrent les noces du ciel et la mer en restant chez eux, bien au frais. A cette heure là, on ne trouvera pas un pêcheur, pas un promeneur pour braver la lumière; à peine si l'on laisse trainer les chaises sur les terrasse.

Que faisions-nous en pleine mer, à une heure pareille? demanderez-vous. Nous étions au paradis... Pauvre de nous! Incapable de rester dans le cockpit, dont les tentures blanches se mettaient à pulser devant mes yeux dès 13h, se nimbant d'une lueur aveuglante, vénéneuse, je me réfugiais dans le carré. Complètement irradié, à moitié comateux, j'essayais de passer les heures les plus terribles de la journée dans une passivité totale - une forme d'abrutissement volontaire qui ne fonctionnait qu'à moitié. Et chaque jour, à quatre heures pile - nous avons comparé nos observations avec Susanna - je perdais la tête. Cela commençait par un long gémissement:

- Je n'en peux plus, je n'en peux plus, je n'en peux plus...

Suivi de propos incohérents:

- On change de cap! On sort la grand-voile! Tout, n'importe quoi, plutôt que de continuer à cette allure!

Je m'en prenais au vent, au bateau, à notre route, à moi-même! quand c'était le soleil de la Méditerranée qui me mettait à la peine. J'imaginais avec soulagement mes ancêtres vikings, devenus bezerk, réduire leur nef en charpie, à coups de hache, pour échapper au supplice. Finalement, Susanna parvenait à me convaincre de ne rien entreprendre et de m'installer dans la jupe arrière du bateau, pour m'y asperger de bassines d'eau de mer. Or à 30°, il faut beaucoup d'eau salée pour abaisser la température d'un cerveau qui délire... La fatigue me gagnait d'habitude avant que je n'y sois parvenu.

J'émergeais de ma stupeur autour de sept heures. A moitié hébété, j'essayais de comprendre ce qui m'était arrivé. Ma surprise était sincère; je ne parvenais pas à croire que la Méditerranée puisse me faire tant de mal...

............ La mer Ionienne, vue des hauteurs de Stilo, en Calabre.........

Cette grosse tache blanche, dans la moitié supérieure de la photo, c'est la trace laissée par la mer Ionienne sur la cellule de l'appareil. J'ai passé en revue toutes les images de la traversée: elles sont toutes "brûlées". Entre le détroit de Messine et l'Adriatique, pas une photo qui ait résisté à l'"ionisation". Quant aux ombres que l'on aperçoit au premier plan à gauche, au pied du bâtiment, il s'agit d'une illusion: elles sont l'oeuvre de la fonction "contraste" de mon appareil photo.

En été, le soleil de Calabre boit jusque l'ombre des puits.

mardi 13 juillet 2010

Le détroit de Messine

.............. porte-container chinois, entre Charybde et Scilla ...............

Les tourbillons (nappes d'huile dont la surface lisse comme un miroir est troublée, en certains endroits, par d'étranges bouillonnements) les contre-courants (appelés "bastardi", en écho aux jurons des rameurs), le clapot étrange, comme si un banc de poissons affolés s'agitait à la surface de l'eau, le mascaret qui à chaque changement de marée parcourt tout le détroit et vient frapper contre la coque comme sur la peau d'un tambour - la traversée du détroit de Messine reste une expérience inquiétante. Le plus étonnant est que personne ne semble connaître les horaires des marées, ni la capitainerie de Reggio, ni les marins de Scilla: il faut baser son calcul sur les tables de Gibraltar! Comme si tout ça n'était qu'une vieille légende...

dimanche 11 juillet 2010

Sea, sex and sun


Exception faite de quelques variétés de chanvre, les mers chaudes sont le plus puissant aphrodisiaque qui soit. Depuis notre départ, il y a un mois, notre libido est passée en sur-régime. Est-ce l'influence de Vénus, dont la présence fugace à l'horizon, chaque soir au crépuscule, nous rappelle qu'Aphrodite régnait autrefois sur les mers d'huile? J'y vois plutôt l'effet d'une métamorphose: nous sommes en train de devenir des poulpes. Depuis que nous avons pris la mer, nos corps se connectent de cent nouvelles manières; c'est comme si l'épiderme, ayant retrouvé son élasticité originelle à force de longs bains d'eau tiède, s'était découvert des myriades de ventouses invisibles.

Je me souviens d'avoir vu un documentaire sur les jeux amoureux des céphalopodes. J'avais été particulièrement frappé par la teinte rubescente du mâle dans les instants qui précèdent le coït: c'est tout à fait ça.

samedi 3 juillet 2010

La première fois

.................... le moment de l'Indescriptible Angoisse ........................

Nous avons réalisé notre première traversée nocturne par une nuit sans lune. Nous avions quitté Port-Cros en fin d'après-midi, en faisant cap sur la Corse. L'appréhension a commencé son travail bien avant le coucher du soleil; j'avais le ventre noué, la langue pâteuse et le plus grand mal à m'exprimer. Susanna quant à elle bavardait comme si de rien n'était. J'ai suivi la course du soleil jusqu'au crépuscule, dans un compte à rebours silencieux, angoissé. Quand les dernières lueurs du jour se sont dissipées à l'horizon, j'ai eu une attaque de panique. J'avais l'impression de me trouver au bord d'un gouffre immense...

Tout en essayant de contenir mon émotion, je dis à Susanna, en articulant du mieux que je peux:

- C'est tout de même impressionnant...
- Sta zitto! me coupe-t-elle. J'essaie de ne pas y penser...

Je découvre soudain que nous sommes dans le même état d'esprit: deux créatures diurnes effrayées par la perte progressive de tous leurs repères, bravant l'obscurité totale, immense, qui est sur le point de les engloutir.

Puis, tout doucement, tout a basculé.

D'abord, Vénus scintillante apparaît à l'horizon, là où le soleil vient de disparaître. C'est ensuite au tour des principales constellations, qui en quelques traits dessinent la carte du ciel. Dix minutes plus tard, la nuit grouille d'étoiles. Je me mets à chercher l'arc d'Orion, la constellation qui d'instinct attire toujours mon regard. Mais Orion passe ses étés ailleurs. Finalement, je me raccroche à Castor et Pollux. Mon angoisse se dissipe lentement. Nous ne sommes plus "nulle part" - nous sommes "quelque part" - peu importe où exactement - et ce "quelque part" est connecté (par un lien ténu, subtil, mais essentiel) à la présence à bâbord, au dessus des barres de flèche, de Castor et Pollux. Je dois au faible éclat de ces deux petites étoiles pourtant situées à des milliers d'années lumière, d'avoir rallumé en moi la flamme vacillante de la certitude; elles m'ont sorti du néant où, quelques instants plus tôt, je me voyais sombrer.

Petit à petit, une magie très puissante commence à opérer, une magie "vitale", foisonnante, hallucinante: les créatures phosphorescentes qui s'agitent dans le sillon du bateau, que je pense être du plancton et qui ressemblent à des méduses tourbillonnantes, les navires croisés au milieu de la nuit qui, avec leurs mille feux, surgissent de nulle part comme des vaisseaux spatiaux, les étoiles qui semblent s'être rapprochées de nous comme des araignées lumineuses suspendues à leur filament de soie. Ciel et mer ont disparu - nous avons l'impression de flotter dans l'éther. Une bande dessinée me revient à l'esprit: Valérian. Je me souviens de Valérian en costume d'astronaute, dérivant dans l'espace en rêvant de Lauréline... Valérian et le vieux chaman Don Juan Matus: voilà à qui j'ai pensé aux cours de cette première nuit en mer.

Après une semaine, nous avons commencé à naviguer toutes les nuits: pour éviter la canicule de la mi-journée, pour gagner du temps, et surtout, parce que nous y avons pris goût.


On effectue d'habitude sa première navigation de nuit en compagnie d'un marin expérimenté; une manière de ne pas se lancer seul dans l'inconnu. A quelques mesures de sécurité près, il n'y a pourtant pas de technique particulière à connaître. Mais naviguer de nuit n'en requiert pas moins une initiation - c'est une initiation. Cette perte progressive des repères, cet obscurcissement des sens, dont on ne sait pas, la première fois, où et quand il va s'arrêter et si l'on sera encore capable de contrôler le bateau lorsqu'il aura entièrement disparu, c'est comme l'approche de la mort, une angoisse indescriptible.

Pour un baptême en solitaire, je conseillerais plutôt une nuit de pleine lune.

Rarement l'inconnu m'était apparu aussi effrayant, ni le monde qui m'attendait de l'autre côté du miroir, aussi merveilleux.

vendredi 2 juillet 2010

Avant et après

............................................ avant ...............................................
............ je souris pour la photographe, les enfants boudent ...............

Au début du voyage, nous n'affalions jamais la grand-voile, nous ne mettions le taud qu'au mouillage et nous nous protégions du soleil avec un parapluie de golf, de la crème anti-UV et des couvre-chefs. Les après-midi de pétole étaient de véritables calvaires, des traversées du désert. Seul le petit caillou qui me tient lieu de volonté a résisté à la canicule: j'ai vu l'enthousiasme de Thomas, Gabriel et Susanna fondre comme neige au soleil, dès le premier jour.

............................................ après ...............................................
..... je barre distraitement en attendant l'heure du thé à la menthe .....

Au bout d'une semaine, nous ne hissions plus la grand voile en-dessous de cinq noeuds de vent et nous naviguions avec le taud et le génois, tous les draps du bord ayant été convertis en toile de tente. Ava ressemblait moins à un FC-10 et plus à une felouk égyptienne, mais nous avons recommencé à vivre. Tout cela, bien entendu, grâce à Susanna. Je suis incapable de mettre en place les conditions matérielles du bonheur, incapable de réfléchir au confort, celui des autres comme le mien. Sans son intervention, nous aurions sans doute péri déshydratés, transformés elle en câpre et moi en filet de morue salée.

Ces améliorations sont arrivées un peu tard, malheureusement. Entre temps, nous avons perdu les enfants qui, dégoûtés, sont allés passer leurs vacances chez leur grand-mère, aux Jardins du Luxembourg.

lundi 28 juin 2010

PLVS VLTRA

.................. le jour du départ, nous n'étions pas fiers ..............

Au compteur de l'incertitude, la voile atteint des scores plus élevés que la montagne.

Quelle que soit la course dans laquelle on s'engage, en montagne, on est rarement à plus d'une journée de l'abri le plus proche, des secours, ou de son lit douillet. On peut presque toujours faire demi-tour. Les grandes expéditions sont réservées aux alpinistes confirmés, ceux qui sont prêts à partir au bout du monde avec 40 kilos sur le dos.

Sur un bateau, le grand voyage est à la portée de tout le monde. Le moment du retour s'éloigne au fur et à mesure que l'on avance, dans l'espace et dans le temps. Au bout de quelques semaines, il parait si lointain qu'on finit par ne plus y penser, et l'aventure peut commencer pour de bon.

lundi 14 juin 2010

Soupe au tapioca


Depuis un mois, l'étang est envahi par des colonies de petites méduses inoffensives qui, lorsqu'elles remontent à la surface de l'eau, lui donnent l'aspect d'une soupe au tapioca. Ornées des quatre lobes violacés, elles ne possèdent pas de tentacules. Les enfants se les jettent à la figure, comme des boules de neige. J'en ai prise une dans la main, pour éprouver sa consistance: un petit flan transparent. Après une trentaine de secondes, je l'ai remise à l'eau, mais elle était morte, morte par osmose, pauvre petite méduse.

jeudi 22 avril 2010

Quai Maximin Licciardi


La criée de Sète est fermée au public. Situé en face de l'entrée interdite, ce petit café glauque à souhait reçoit tous les jours la visite de quelques ivrognes grandioses. Dans une atmosphère d'ébriété sur-réelle, on peut dès huit heures du matin se perdre dans la contemplation des façades aveugles de la criée voisine sans être dérangé par le va-et-vient des manutentionnaires.


Quelques mètres plus bas, sur le même trottoir, les demoiselles Dupuy reçoivent leur clientèle en terrasse, à l'ombre des lauriers roses, avec des huîtres de l'exploitation familiale. Disparus les camions frigorifiques, les diables des poissonniers et la façade aveugle de la criée de Sète.

Autrefois, j'aimais la solitude et la pénombre des bars où il n'y a rien à voir; les murs sans fenêtres nous rapprochent de l'au-delà. A présent que je m'intéresse d'avantage à ce monde-ci, j'ai plus de plaisir à rencontrer les petits producteurs.

Ce qui ne m'empêche pas de toujours aimer David Lynch autant que Jean Renoir.

mercredi 21 avril 2010

Les poissons mélomanes

....................... un pianiste à Balaruc-les-Bains ...............................

Les pianos
des casinos
aux bains de mer
font rêver les poissons qui nagent dans la mer
car - (tous les érudits le savent de nos jours) -
ils sont muets, c'est vrai, mais ils ne sont pas sourds!

[...]

Georges Fourest

jeudi 8 avril 2010

Glossaire des termes de marine


J'en cherchais un depuis des lustres, mais pas aussi longtemps qu'il aura fallu à son auteur pour l'écrire: deux ans. Il est téléchargeable gratuitement sur christophe.borzeix.perso.sfr.fr, ce qui est très généreux de sa part.

Malheureusement, il ne répond pas à la question qui me turlupine depuis des semaines: "souquer" est-il transitif ou non? Souque-t-on sur une écoute, ou la souque-t-on tout court?

L'expression "souquer ferme" me conforte dans l'idée qu'il est intransitif, et j'aime la symétrie choquer / souquer. "Étarquer une écoute" me reste coincé en travers de la gorge comme une arrête de poisson. "Étarquer une drisse", oui, comme on bande un arc, mais "étarquer une écoute"? C'est au-dessus de mes forces, et physiques et mentales...

mercredi 7 avril 2010

Persona non grata

.......................... Le valeureux Capitaine Paul Watson ......................

Au mois de mai, le flamboyant capitaine de l'association Sea Shepperd débarque en Méditerranée pour faire respecter les nouveaux quotas de pêche au thon rouge (13 500 tonnes autorisées contre 60 000 tonnes prises en 2007). Je doute qu'on lui réserve un très bon accueil à Sète et Carloforte, mais les enfants en ont d'ores et déjà fait leur héros. Il est vrai qu'il a un bateau tout noir et un hélicoptère...

Pendant 15 ans, il a fourbi ses armes en traquant les pêcheurs de baleines dans les mers australes. Après s'être frotté aux armadas bouddhistes-zen, il vient taquiner les thoniers maures et chrétiens.

Le Steve Irvin - le vaisseau amiral de la flotte - et le Bob Barker sont attendus dans le golfe du Lion à la mi-avril. Il faut que nous trouvions le pavillon approprié, afin que Thomas et Gabriel puissent manifester leur soutien, si par chance notre route devait croiser celle des éco-guerriers.


Ce ne sont pas les $25 demandés par seashepherd.org qui me font hésiter, ni le syncrétisme étonnant de ce Jolly Roger - le trident, la crosse, le dauphin et le cachalot: Jonas, Poséidon, le Christ et l'oracle - plutôt la crainte que nous ne soyons plus accueillis aussi chaleureusement par Bébert, au Baratin...

Pour suivre les aventures trépidantes du capitaine qui, lorsqu'il n'est pas en blazer, porte des t-shirts noirs, rendez-vous sur www.seashepherd.org.

Mise à jour 10/06/10: aux dernières nouvelles, ses anciens amis de Greenpeace l'auraient devancé sur le théâtre des opérations, avec des objectifs bien plus radicaux: s'opposer à toute pêche au thon rouge en Méditerranée, quotas ou pas. Il y a eu du grabuge. Un activiste s'est fait harponner comme un vulgaire Thunnus thynnus, pendant qu'il essayait de saboter les filets d'un thonier-senneur. "Acte de guerre!" crient les verts troublions - "accident de pêche", soupirent les vieux marins. En attendant, notre valeureux capitaine s'est fait déborder par son aile radicale, comme Deng le Progressiste au temps de la Révolution Culturelle. Damned! Comment le Capitaine Watson va-t-il tirer son épingle du jeu? La suite au prochain épisode.

mardi 6 avril 2010

latentation.org

.................................. .org pour organisée ...................................

Je prépare notre voyage en Grèce en recueillant le plus d'information possible sur notre itinéraire. J'ai décidé d'investir dans des ouvrages du vénérable United Kingdom Hydrographic Office, le SHOM britannique. Dépendant du Ministère de la Défense, le U.K.H.O. a été fondé en 1795 pour cartographier le théâtre des futures batailles napoléoniennes. Basé à Taunton - prononcer TON N'TONNE - dans le Somerset, il emploie plus de 1 000 personnes et vend ses instructions nautiques et ses cartes vectorielles aux marines marchandes du monde entier. Pendant ce temps, les navires de l'"escadre hydrographique" sillonnent les mers du globe pour fournir aux cartographes de nouveaux relevés. Étant donné le caractère extrêmement précieux des informations que contiennent ses célèbres "pilotes", le prix de £55 ne me semble pas excessif, même s'il me faudra en acheter deux pour couvrir notre destination.

Reste à trouver un revendeur. Le site de l'Admiralty contient un catalogue et une liste de distributeurs, mais ne pratique pas la vente par correspondance. Les seuls deux points de vente français se trouvent à Harfleur et Antibes. Les frais de livraison sont relativement élevés: avec leurs 400 pages copieusement illustrées, les pilotes de l'Admiralty valent leur pesant d'or.

Je poursuis mes recherches sur internet. Amazon ne les stocke pas. Au bout de la énième requête, je tombe sur une annonce Fileshare: 5 fichiers compressés, contenant au total 34 pilotes, au format PDF, disponibles gratuitement, cela va sans dire. La liste des ouvrages proposés ressemble à la bibliothèque de Philéas Fogg.

NP 2 (14th 2004) Africa Pilot Vol.2
NP 5 South America Pilot, Vol.1
NP 7 (8th 2003) South America Pilot, Vol.3
NP 13 Australia Pilot, Vol.1
NP 14 (9th 2004) Australia Pilot, Vol.2
NP 18 (13th 2004) Baltic Pilot, Vol.1
NP 19 (13th 2005) Baltic Pilot, Vol.2
NP 22 (9th 2004) Bay of Biscay Pilot
NP 24 (1st 2003) Black Sea and Sea of Azov Pilot.
NP 25 (12th 2004) British Columbia Pilot Vol.1
NP 26 British Columbia Pilot Vol.2
NP 27 (6th 2005) Channel Pilot.
NP 30 (6th 2004) China Sea Pilot Vol.1
NP 31 (7th 2004) China Sea Pilot Vol.2
NP 32 (5th 2004) China Sea Pilot. Vol.3
NP 33 (2nd 2004) Philippine Islands Pilot.
NP 35 (3rd in 2004) Indonesia Pilot Vol.3
NP 36 (5th 2005) Indonesia Pilot Vol.1
NP 37 West Coasts of England and Wales Pilot.
NP 38 (14th 2004) West Coast of India Pilot.
NP 39 (11th 2004) South Indian Ocean Pilot.
NP 40 (16th 2003) Irish Coast Pilot.
NP 43 South and East coast of Korea, East Coasts of Siberia and Sea of Okhotsk Pilot
NP 45 (12th 2005) Mediterranean Pilot, Vol.1
NP 46 (11th 2004) Mediterranean Pilot, Vol.2
NP 51 (16th 2004) New Zealand Pilot.
NP 54 (6th 2003) North Sea (West) Pilot
NP 55 North Sea Pilot (East).
NP 59 (13th 2005) Nova Scotia & Bay of Fundy Pilot.
NP 64 (14th 2004) Red Sea and Gulf of Aden Pilot.
NP 65 (14th 2003) Saint Lawrence Pilot
NP 66 (15th 2004) West Coast of Scotland
NP 68 (11th 2004) East Coast of United States Pilot
NP 100 Mariner's Handbook

La mer Ionienne et la mer Egée ne font pas partie du butin; tant pis pour moi.

Quand on voit comment une partie de leur catalogue a fini sur la place publique, on en vient a regretter (pour eux) que ces messieurs de l'Amirauté ne vendent pas leurs ouvrages en ligne.

A moins que le service après-vente ne soit assuré par les gentlemen de l'Intelligence Service.